Cinq idées reçues sur l’innovation en santé animale

En santé animale, certaines idées reçues ont la dent dure, notamment en matière d’innovation. La nouveauté n’est pas toujours bien accueillie, en particulier par les possesseurs d’animaux qui privilégient des solutions ayant fait leurs preuves. En parallèle, les vétérinaires sont nombreux à considérer que pour apprécier une innovation à sa juste valeur et bien l’expliquer, cela prend du temps. Et du temps, ils en ont peu. Bénédicte Hivin, cheffe de projet et rédactrice médicale pour Wolf Learning, répond à ces idées reçues et les remet en question.

Dog with VR

Idée reçue n°1 :
Un produit innovant n’a pas eu le temps de faire ses preuves

Bénédicte Hivin – « Avant tout, il faut rappeler que tous les médicaments et vaccins ont l’obligation d’avoir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Des études scientifiques ont donc évidemment été réalisées avant le lancement du produit. Pour les dispositifs médicaux, l’AMM n’est pas nécessaire en santé animale. Pas d’obligation non plus pour les aliments pour animaux. Il n’empêche que les entreprises et marques de qualité reconnue du secteur auront effectué des études de cas pratiques et des évaluations démontrant les bénéfices sur la santé des animaux. Il revient alors aux laboratoires, ou aux sociétés de petfood de fournir aux vétérinaires les résultats de ces évaluations et des essais, mais aussi de les présenter clairement.

Ajoutons qu’à chaque nouveau produit, il faut des années avant de collecter assez de données tangibles. Alors si le vétérinaire n’utilise pas ou ne conseille pas le produit, il ne connaîtra jamais ses bienfaits. Les innovations apportent toujours plus de bénéfices que les produits d’ancienne génération, il faut juste du recul pour en prendre conscience. »

Idée reçue n°2 :
Je n’ai pas le temps de chercher à comprendre les innovations ou de me former

Bénédicte Hivin – « Les techniques de formation ont évolué et les sessions sont aujourd’hui courtes et interactives. Nous avons par exemple conçu un module de formation, qui dure 10 minutes chrono sur le mode d’emploi d’un nouveau glucomètre pour les chats. Il résume les principales fonctionnalités de l’appareil. Ce module constitue une première base solide que le délégué pourra compléter, car lui-même aura été formé en amont grâce aux séminaires d’entreprise et aux didacticiels pédagogiques en ligne. C’est, en effet, extrêmement important pour les acteurs de la santé animale de former leur force de vente et de les convaincre des bénéfices des produits pour les animaux à chaque lancement. Pas de temps perdu ainsi, ni chez les vétérinaires, ni chez les commerciaux. Et l’opportunité pour les propriétaires d’animaux de profiter des meilleures solutions ! »

Idée reçue n°3 :
Encore une innovation ? Je n’en ai pas besoin !

Bénédicte Hivin – « Il arrive parfois que des innovations naissent en R&D sans qu’une demande ne se soit manifestée sur le terrain. Les vétérinaires n’ont pas repéré le besoin et n’ont donc rien fait remonter auprès des commerciaux. La relation entre innovation et besoin sur le marché n’est pas forcément évidente pour le vétérinaire ou le client au premier abord. L’entreprise de santé animale a en revanche identifié une nouvelle solution plus pratique ou plus efficace. Elle devra donc montrer les preuves scientifiques, mais également pragmatiques de son utilité au vétérinaire.

Prenons un exemple, celui d’un nouveau médicament contre le diabète du chat. Jusqu’à présent, les équipes vétérinaires n’avaient à leur disposition que le traitement par insuline injectable, qui fonctionnait parfaitement bien. Depuis peu, une innovation a été mise à disposition des vétérinaires et des propriétaires de chats sous la forme d’une solution buvable. C’est donc beaucoup plus simple qu’une injection. Tout le monde est gagnant avec cette évolution : le vétérinaire explique plus facilement la méthode d’administration du médicament, le propriétaire du chat se simplifie la vie et l’animal n’a plus à supporter des piqûres chaque jour

Cela permet de mieux prendre en charge des animaux dont les propriétaires pouvaient auparavant refuser le traitement, car trop complexe, et donc de sauver plus de vies.

Autre exemple : la mesure de la glycémie à partir d’une goutte de sang. C’est un système qui existe depuis longtemps, mais aujourd’hui, certains dispositifs sont connectés. Plutôt que d’être notée à la main, il est possible aujourd’hui d’enregistrer la mesure de glycémie automatiquement et de l’envoyer directement au propriétaire du chat sur une application par exemple. Du temps et de la fiabilité (pas d’erreur à la prise de données) gagnés à tous les niveaux ! Là aussi, pas de besoin identifié et pourtant une innovation qui a séduit les vétérinaires et leurs clients. »

Idée reçue n°4 :
Forcément, une innovation, c’est cher !

Bénédicte Hivin – « Certes, le coût des innovations doit absorber les investissements en recherche. Et les vétérinaires ont pour la plupart une barrière psychologique au moment de présenter la facture. Il arrive souvent que leurs clients ne bénéficient pas d’assurance santé comme les humains. Les assurances santé pour les animaux de compagnie sont encore peu utilisées en France (environ 6 %), même si ce service a tendance à se développer fortement. J’ai moi-même, en tant que vétérinaire praticienne, ressenti cette crainte par le passé. J’avais peur que le propriétaire de l’animal réagisse mal au prix et refuse le traitement ou qu’il ait l’impression d’avoir subi une vente forcée. Effectivement, certains clients ne seront pas en capacité de payer, mais des études ont montré que la plupart des familles veulent qu’on leur propose les meilleures solutions pour le bien-être de leur animal. Or, le rôle du vétérinaire est de préconiser des médicaments ou des solutions nutritionnelles, parce qu’ils sont plus efficaces, parce qu’ils ont moins d’effets secondaires ou parce qu’ils sont plus pratiques. On ne peut pas lui reprocher de suggérer des solutions perçues comme chères. Le choix d’acheter ou non appartient au propriétaire. Souvent, l’animal est un membre de la famille à part entière et le propriétaire est prêt à en assumer les coûts. »

Idée reçue n°5 :
C’est bien joli vos innovations, mais elles ne sont jamais très claires

Bénédicte Hivin – « Tout le succès du lancement d’un produit innovant passe par une adoption et un changement de pratique. Et on ne modifie pas son comportement si tout n’est pas clair et si on ne comprend pas les bénéfices pour soi et ses patients. Et c’est ici que la formation joue un rôle primordial. Pour clarifier le propos et les convaincre de l’intérêt d’une nouvelle solution, il est indispensable de mettre les différents acteurs – délégués, vétérinaires, propriétaires d’animaux – en action. Le discours doit être cascadé auprès de chaque cible. Tout le monde a besoin de comprendre.

Illustration : après le lancement d’un dispositif d’inhalation contre l’asthme pour le cheval, un laboratoire s’est rendu compte que les vétérinaires et les propriétaires équins ne savaient pas comment le manipuler en toute sécurité. La formation que nous avons développée a permis de remettre à plat l’utilisation de l’appareil et de montrer tous les bénéfices pour le cheval. L’impact sur l’utilisation et donc les ventes a été rapide. La promotion classique du produit via la publicité ou les visites commerciales est certes essentielle, mais pas suffisante. Il convient de le mettre en application et d’en parler de façon synthétique et impactante.

C’est à cela que sert la formation. Le délégué doit savoir exposer clairement l’intérêt et les atouts d’une innovation au vétérinaire qui pourra ensuite l’expliquer à ses clients… au bénéfice de ses patients.

L’innovation en santé animale n’est donc pas risquée, complexe, ou déconnectée des besoins de chaque acteur du bien-être des animaux : vétérinaires, familles, propriétaires d’animaux, éleveurs et les animaux eux-mêmes. Bien au contraire, chaque innovation sera adoptée à partir du moment où elle apporte une réelle valeur. Mais il faut comprendre cette valeur perçue et pouvoir l’expliquer. Et, ici, la formation a une carte majeure à jouer ! »

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